8 mai 2025
Catégorie
Le Journal de Nicolas Houle
Types
Nouvelle
Écrit par : Nicolas Houle
Il y a de ces artistes qui ont le don de briller, qu’importent les disciplines, qu’importent les projets. Ute Lemper fait partie de ce groupe sélect. Chanteuse redoutable, celle qui sera au Palais Montcalm le 22 mai, est aussi actrice primée et danseuse.
Désormais établie à New York, l’artiste originaire d’Allemagne est devenue, au fil des ans, une spécialiste de la musique des cabarets berlinois. Les compositions de Weill et Brecht? Elle les livre comme personne! Mais sa polyvalence est tellement grande, qu’on ne peut la réduire à une seule discipline, à un seul style ou même à une seule langue – elle parle allemand, anglais et français, en plus de s’être permis de chanter en espagnol, en yiddish, en russe ou en hébreux.
Tout en se distinguant dans les comédies musicales comme Cats, Peter Pan ou Cabaret dans les années 80, Lemper s’est graduellement imposée comme une interprète incontournable. La décennie suivante, son album Illusions (1992), où elle s’appropriait le répertoire de Marlene Dietrich et d’Édith Piaf, a été sacrée Grand prix de l’Académie Charles-Cros. Son intérêt pour la tradition allemande ne l’a pas empêchée de participer à la représentation de The Wall, à Berlin, en 1990, où elle a servi, entre autres, une version mémorable de The Thin Ice, auprès de Roger Waters et d’une équipe tout étoile d’invités.
Comme le talent de Lemper est vaste, elle s’est aussi fait une place dans l’univers du théâtre auprès de Fassbinder, notamment, et du cinéma, tournant pour des réalisateurs renommés dont Woody Allen, Peter Greenaway ou Robert Altman. Maurice Béjart lui a même écrit un ballet, La Mort subite! , rien de moins!
Il reste que la chanson est assurément là où Lemper brille le plus, avec une quarantaine d’enregistrements à son actif. Au tournant des années 2000, elle a signé un album formidable où elle partageait des pièces que les Nick Cave, Elvis Costello, Tom Waits et autres Philip Glass avaient écrites expressément pour elle.
D’une décennie à l’autre, Ute Lemper a aussi mis de l’avant du matériel signé de sa propre griffe, a continué d’élargir ses horizons du côté de Piazzolla, sans ne jamais perdre de vue son grand amour pour les chansons de Kurt Weill et pour la tradition des chansons française et allemande. C’est précisément là que s’insère le projet Rendez-vous avec Marlene qu’elle vient présenter dans la salle Raoul-Jobin.
En 1988, alors qu’elle était en pleine ascension, Lemper avait reçu un coup de fil inattendu de Marlene Dietrich, à qui on la comparait. Leur échange s’est transformé en discussion de trois heures, où Dietrich se confiait sur différents chapitres de sa vie, personnelle ou professionnelle.
« C’était un moment incroyable, se remémorait Lemper en 2018. J’ai dû m’asseoir. Je voulais crier mon admiration… En même temps, j’étais honorée et emplie d’humilité. (…) Il s’agissait d’une conversation entre une jeune actrice allemande très curieuse qui vivait et travaillait à Paris et une actrice établie, une légende avec une vie et une carrière incroyablement riches, un esprit libre féminin inspirant plusieurs générations »
C’est une portion de cette discussion que Lemper viendra partager, misant à la fois sur son savoir-faire de comédienne, bien sûr, mais surtout sur son talent de chanteuse pour livrer des airs incontournables, qui iront de Lili Marlene à Just A Gigolo, en passant par Que reste-t-il de nos amours? , accompagnée de ses musiciens.
Créé en 2018, Rendez-vous avec Marlene s’accompagne de l’excellent album du même nom, paru deux ans plus tard. Ce spectacle fait partie des différents projets que Lemper ne cesse de présenter autour du monde, parce que salué par le public et la critique, mais aussi parce qu’il s’agit d’une des productions favorites de Lemper.
« Rendez-vous avec Marlene compte beaucoup pour moi, a-t-elle confié. C’est mon hommage personnel à cette grande femme. C’est l’histoire que j’ai choisie de raconter à son sujet et que je souhaite que les gens entendent. Il y a eu beaucoup de portraits de Marlene, celui-ci vient du cœur. Elle raconte sa vie à travers mon propre filtre et chante ses chansons avec ma voix. »