Alain Lefèvre, en mots et en musique

4 mai 2022

Catégorie Le Journal de Nicolas Houle
Écrit par : Anne-Louise Champagne

Alain Lefèvre, en mots et en musique

Quoi? Eh non, le pianiste Alain Lefèvre ne s’est pas mis à la composition de chansons à texte. Par contre, les mots pèsent lourd dans le spectacle qu’il présentera le 7 mai au Palais Montcalm.

Le pianiste de renommée internationale a entamé début avril une tournée de concerts au Québec avec, sous le bras, son plus récent album de pièces originales, Opus 7.

Le compositeur va évidemment jouer ses compositions, mais également les mettre en contexte. « Je vais parler aux gens. Ce ne sera pas juste un pianiste qui joue du piano, ce sera Alain Lefèvre qui présente Opus 7», détaille-t-il.

Chacune des pièces est une petite histoire, qu’il racontera au fil du concert. Le choix des mots est important: « Il ne faut pas être trop court, il ne faut pas être trop long. »

C’est que le pianiste est sensible au fait que les mélomanes devant lui doivent porter un masque. Il a respect et admiration pour les gens qui décident d’acheter un billet et acceptent de garder le visage couvert tout au long du concert.

Heureusement, la magie opère. « J’ai eu des centaines et des centaines de messages de gens qui m’ont dit « votre musique m’a fait du bien, vos mots m’ont fait du bien. » » Le pianiste souhaite que, à la fin du concert, les spectateurs aient l’impression que leur couvre-visage n’existe plus, que la musique ait fait son travail.

Incertitude

Alain Lefèvre compose depuis plusieurs années et il confie que ses débuts étaient teintés d’incertitude. Il a appris le piano dès l’âge de cinq ans, avec Beethoven, Bach, Chopin, Mozart… « Quand j’ai commencé, je n’avais aucune, aucune, aucune confiance en moi. Je me disais « qui es-tu pour composer? » »

Au fil du temps, son auditoire s’est élargi, partout à travers le monde. Et, surtout, il a vu le milieu de la musique classique « ne pas me juger sur ce que je composais ».

« Je serais incapable de qualifier mes compositions, je les fais avec mon cœur, et jamais de façon didactique ou prétentieuse. Ce qui me révulse le plus dans la vie, c’est la prétention. D’ailleurs, plus je travaille, plus je me remets en question. »

Les impacts de la pandémie

Opus 7 a été conçu avant la pandémie et devait être lancé à l’automne 2020. L’événement a été reporté pour les raisons qu’on connaît. Le pianiste a d’ailleurs déjà qualifié son album « prémonitoire ».

Deux ans plus tard, le musicien mesure l’impact de la pandémie et constate la souffrance qu’elle a laissé derrière elle.

« On ne réalise pas tous les mécanismes destructeurs de cette aventure qui nous est arrivée », estime-t-il. Il le voit dans les CHSLD; il l’imagine dans le drame des enfants qui étaient abusés avant la pandémie et à qui on disait, « vous serez confinés avec vos bourreaux ».

On n’a pas encore fait le bilan des impacts psychologiques, observe celui qui travaille beaucoup avec des enfants en difficulté.

Des ados, et quelques larmes

Un des aspects moins connus du travail d’Alain Lefèvre est sa présence dans les écoles, où il va jouer, particulièrement dans des milieux défavorisés.

Il raconte ce jour où il a interprété une œuvre de Schubert, d’une durée de sept minutes, devant 270 adolescents. « Pour ces enfants-là, c’est une éternité. »

Les sept minutes se sont écoulées dans le plus grand silence. Comme si les 270 jeunes avaient disparu. Le silence s’est prolongé après la pièce.

« Je leur ai dit, les gars, vous avez tout écouté, avez-vous aimé ça? »

Un garçon s’est levé et a dit: « Pourquoi on n’a jamais entendu ça avant? »

Ça a touché l’artiste en plein cœur et il s’est mis à pleurer. « Ça, ça les a fait rire! Ils m’ont ensuite composé une toune de rap, qu’ils ont appelée Livreur de liberté. »

Responsabilité

Ce qui nous amène à un autre sujet, la diffusion de la musique classique, et des arts vivants en général. Le pianiste se fait volubile.

La démocratie, dit-il c’est la proposition. Il faut proposer pour que les gens puissent faire un choix. Le pianiste ne veut pas imposer son univers culturel, mais déplore qu’il ne soit pas suffisamment diffusé.

L’éducation, la présence des arts à l’école font en sorte que nos jeunes soient capables de développer un sens critique de la vie, et deviennent de meilleurs voteurs, expose-t-il.

« Les décideurs, les gouvernements, les ministres de la Culture, Radio-Canada, s’ils ne font pas l’effort nécessaire (pour diffuser les arts vivants), alors ils ne travaillent pas pour la démocratie. »

Si à l’époque des Beaux Dimanches, la Société d’État assurait une soirée de théâtre, ou de musique classique, ou de danse par semaine, aujourd’hui, l’offre se fait rarissime.

« S’ils m’acculaient au pied du mur, je leur répondrais, gentiment, « vous ne faites plus votre travail. Vous ne le faites pas. » »

 

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