4 novembre 2022
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Le Journal de Nicolas Houle
Écrit par : Anne-Louise Champagne
Le 17 novembre, le bassiste André « Dédé » Vander et le comédien Hubert Proulx seront au Palais Montcalm, mais en fait ils vous convient dans un chalet de Saint-Etienne-de-Bolton, en Estrie. Celui-là même où est né le mythique album Dehors Novembre. Coïncidence: c’est aussi la date d’anniversaire de Dédé Fortin…
Ce sera un moment privilégié pour entendre l’histoire de la création de cet album-culte, racontée par un de ses principaux acteurs, Vander, qui tenait la basse sur le dernier album des Colocs. Et l’occasion aussi de mettre fin à certaines légendes.
Non, vous n’entendrez pas les chansons des Colocs telles qu’on les connaît. Attendez-vous plutôt à l’interprétation des textes de l’album par Hubert Proulx et aux explications et anecdotes de Vander. Le tout avec le soutien musical de Jean-Sébastien Nicol (batterie) et de Jean-Denis Levasseur (saxophone, clarinette, harmonica, guitare).
« J’ai demandé à Hubert d’essayer de s’éloigner le plus possible des chansons, d’interpréter, de vivre le texte, » précise Vander.
« Si on m’avait approché pour jouer Dédé Fortin dans un théâtre musical, j’aurais dit non. Je ne suis pas un imitateur, faut que je m’approprie les textes », renchérit le comédien.
Au départ, une conférence
La paternité de ce spectacle revient au bassiste. C’est la suite logique de conférences que ce dernier donnait dans les cégeps, sur le thème de la prévention du suicide, après le décès de Dédé Fortin. Mais Vander voulait aller plus loin et mettre en lumière les textes de son copain, tout en les appuyant avec une musique minimaliste.
La tragique histoire du chanteur est bien connue au Québec. L’artiste aux multiples talents s’est donné la mort le 8 mai 2000, à l’âge de 37 ans, laissant derrière lui beaucoup de questions sans réponses. Quelques-unes de ces réponses pourraient se retrouver dans le spectacle.
« C’est un peu le testament de Dédé», lance Hubert Proulx. « Carrément! », opine Vander.
Bye bye 2116
Dehors Novembre a été enregistré en 1997 et 1998 dans un chalet estrien. L’idée de trouver un lieu de création en-dehors de la ville est celle de Dédé, qui devait quitter le « 2116 », ce bâtiment sur la rue Saint-Laurent à Montréal où sont nés les Colocs, et leurs premières chansons.
« Moi, j’étais dans une situation où je n’avais pas d’appartement. (Le chalet), c’était pratiquement mon port d’attache, » dit Vander.
Dans les faits, seuls les deux Dédés ont été des résidents réguliers. Au début, certes, tous les collaborateurs y étaient. Puis, il y a eu des changements de personnel, Fortin s’étant séparé du batteur Jimmy Bourgoing, ainsi que de la section des cuivres. Le guitariste Mike Sawatzky, pour sa part, se remettait péniblement d’un accident de voiture, et il n’est pas venu très souvent au chalet durant les six premiers mois.
Sinon, les autres collaborateurs de l’album venaient et repartaient. « Mais ce n’était pas un camp de vacances, insiste Vander. Ceux qui venaient, c’était pour travailler sur l’album. »
Pas de malaise, pas de déprime
À ce point du récit, le bassiste se fait insistant. « C’est important. Même si l’album qui en est sorti a une teinte un peu sombre, dans les souvenirs des gens qui étaient à Saint-Étienne-de-Bolton, c’était du fun. Parce que on avait un espace de création, parce qu’on faisait ce qu’on aimait. On faisait des parties de cartes, des bouffes… Y’a pas eu de grosses chicanes, de gros malaises, pas de grosses déprimes. »
Une journée typique des deux Dédés, en été, commençait souvent par la baignade. « On prenait un café, puis je traversais le lac à la nage! Au début, Dédé me suivait en pédalo, il avait peur que je me noie! »
Puis Dédé allait écrire, et revenait après quelques heures discuter avec Vander. En soirée, les musiciens présents écoutaient beaucoup de musique, travaillaient des passages de chansons. « C’était l’idée d’avoir un local où on pouvait travailler 24 heures sur 24, et habiter en même temps. »
« Il y avait beaucoup de travail, de réflexion, poursuit Vander. Des fois, on avait l’impression ne rien faire pendant deux jours, sauf que cette réflexion apportait »de la farine au moulin ».»
Dédé était un gros travailleur. Belzébuth est l’exemple de la chanson travaillée, analysée et retravaillée. Il y a eu, en bout de ligne, une quinzaine de versions de cette œuvre, confie Vander.
Alors plutôt qu’une longue pièce, l’histoire de ce chat adopté par un couple de bourgeois a pris la forme, qu’on lui connaît aujourd’hui, d’une chanson en quatre tableaux.
Le leader des Colocs était-il particulièrement exigeant envers son band? « Il savait ce qu’il voulait et ce qu’il ne voulait pas, et il était prêt à faire des expériences », se remémore le bassiste. C’était un « bosseur », souligne le musicien. «Il était pas arrêtable! On a parlé beaucoup de sa maniaco-dépression. À cette période-là, il était plus up que down. »
« Dédé était LE leader du groupe, mais il était d’une curiosité affolante, toujours prêt à écouter une bonne idée et voir où elle s’en allait. » Mais à partir du moment où il avait son idée, c’était ça, et personne n’en parlait plus.
Tassez-vous de d’là…
Pour Hubert Proulx, l’album Dehors Novembre a été un coup de cœur, un album-culte. La chanson Tassez-vous de d’là a résonné en lui de façon particulière. « On a tous une histoire autour cette chanson», commente-t-il.
La sienne remonte à l’été de ses 18 ans, alors qu’il s’était rendu dans l’Ouest canadien pour venir en aide à son frère. Ce dernier avait un grave problème de toxicomanie et vivait dans la rue.
À son retour au Québec, il a entendu la chanson pour la première fois, dans la voiture qui le ramenait de l’aéroport.
« J’ai pensé que c’était écrit pour moi mais en fait, c’est universel. Quand les chansons sont fortes et puissantes, on se sent happé.»
Dans une chanson, Dédé dit qu’il est « jaloux de la profondeur des malheureux ». « C’est drôle, dit le comédien, parce que ses paroles sont extrêmement profondes… »
Changer l’image
Avec ce spectacle, Vander souhaite montrer une autre facette du leader des Colocs. « Y’a une image de Dédé qui est véhiculée, c’est cette longue descente aux enfers, pis c’était pas ça. C’était vraiment pas ça. »
Généreux, travaillant, créateur-boulimique, Fortin était un vrai gars de gang. « Quand Dédé avait une idée loufoque, y’avait toujours 50 personnes autour de lui pour le suivre! »
Et pas que des musiciens, mais aussi du monde qui faisait ses vidéos, qui lui faisait des origamis…
« Je pense qu’après (la musique), Dédé aurait eu une carrière de cinéaste. Il avait ça en lui, et il avait aussi envie de faire autre chose… »