26 juin 2020
Catégorie
Le Journal de Nicolas Houle
Types
Entrevue, Vidéo
Écrit par : Nicolas Houle
Quand il ne se consacre pas au répertoire classique, à celui de ses contemporains ou à celui de ses compatriotes, Alain Lefèvre planche sur ses propres compositions. C’est ainsi qu’il a récemment achevé Opus 7, un nouvel album qu’il présentera bientôt au Palais Montcalm.
Alain Lefèvre
Rencontrez le pianiste et compositeur Alain Lefèvre… le temps d’une chanson.
En fait, Alain Lefèvre devait interpréter ses récentes créations cet automne, or la situation actuelle attribuable à la Covid-19 l’a forcé à revoir ses plans. Opus 7 devrait donc être lancé au début 2021 et il montera sur les planches de la salle Raoul-Jobin le 10 avril 2021 pour partager cette cuvée de compositions qui, constate-il, est en phase avec ce que la planète vie en ce moment.
«Opus 7 me trouble beaucoup, parce que j’ai l’impression que c’est un disque qui a été composé comme une forme d’immense prémonition. […] J’ai l’impression que je pressentais beaucoup de choses. Je ne sais pas si c’est bon, mais je sais que le public sera ému et je sais que chaque personne qui viendra au concert aura des larmes, parce que chaque pièce est une histoire autour des gens qui ont disparu, est une histoire autour de grandes histoires d’amour et, surtout, chaque pièce a été écrite avec modestie, mais avec tout mon cœur.»
L’art du duo
Opus 7 succédera au récent album qu’Alain Lefèvre a signé en compagnie d’Hélène Mercier, où les deux pianistes interprètent une version du Concerto de Québec, ainsi que d’autres pièces d’André Mathieu. S’il fait nul doute que les deux complices avaient beaucoup à apporter côté talent, il restait à voir comment ils pourraient être complémentaire et installer une chimie entre eux. Visiblement, tout s’est déroulé le plus aisément du monde…
«Hélène Mercier a créé avec mon collègue et ami Louis Lortie un duo très important, rappelle Alain Lefèvre. Elle a une expérience au niveau du duo de piano que je n’avais pas. Alors quand j’ai fait le disque et que j’ai commencé à travailler avec elle, j’étais à l’écoute de ce qu’elle avait à m’apporter. […] J’aime écouter les autres, j’aime apprendre. Et si aujourd’hui le disque avec Hélène est un triomphe mondial – car il faut dire ce que c’est, au niveau des ventes, des critiques, de l’accueil – c’est parce que ni l’un ni l’autre on avait des envies d’être plus important.»
Alain Lefèvre
Une rencontre avec Nicolas Houle, directeur de la programmation du Palais Montcalm
Alain Lefèvre a mis énormément de temps et d’effort afin de ramener sous les projecteurs l’oeuvre d’André Mathieu, pianiste et compositeur de génie, au destin tragique. Ce n’est pas en vain, puisque désormais, on peut noter qu’il n’est plus seul à l’interpréter. Les pianistes Jean-Philippe Sylvestre et Jean-Michel Dubé sont en effet parmi ceux qui se sont attardés aux réalisations de Mathieu. Lefèvre ne cache pas son enthousiasme devant cet intérêt de ses pairs et souligne qu’il serait difficile aujourd’hui de nier l’apport d’André Mathieu, ce qui l’amène aussi à réfléchir sur le patriotisme…
«Le patriotisme est un devoir essentiel, plaide-t-il. Autant quand je parle du Palais Montcalm – je n’essaie pas d’être gentil pour le Palais Montcalm ou pour vous – c’est une grande salle, qui est dans une ville qui est un joyau. On a le droit, en tant que Québécois, d’être fier de ça. C’est comme si dans notre monde aujourd’hui, on essayait de faire en sorte que le patriotisme devienne quelque chose de pas correct. C’est pas vrai ça. Pour aimer le reste de la planète, il faut d’abord apprendre en tant que peuple Québécois de s’aimer, de chérir nos artistes et de faire attention à des gens comme André Mathieu. Quand M. Dubé ou M. Sylvestre ont fait ce qu’ils ont fait, j’étais le premier à être le plus heureux. J’ai dit ‘voilà des pianistes qui font ce que les Russes font avec Tchaïkovski ou Rachmaninov.’»
Les anges du piano
C’est en obéissant à la même logique qu’Alain Lefèvre ne manque pas d’interpréter ses compatriotes contemporains, à la manière d’un Rubinstein qui a défendu Szymanowski ou d’un Pollini qui a défendu Luigi Nono. On l’a donc vu jouer les œuvres des François Dompierre, Walter Boudreau ou encore Alain Payette. Mais lorsqu’on le reverra au Palais Montcalm, ce sera pour défendre son répertoire original.
Comme ses collègues pianistes, Alain Lefèvre ne voyage pas avec son propre instrument. Il doit donc s’adapter aux différents pianos sur lesquels il joue. Lorsqu’on lui demande si, au fil des ans, il a des instruments auxquels il s’est attaché, ici et là, il préfère saluer le travail de ceux qui, dans les coulisses, les maintiennent en bon état…
«Il y a de bons pianos, mais il y a surtout des anges du piano comme Marcel Lapointe, qui est au Palais Montcalm, souligne-t-il. Pour moi ce gars-là est un des plus grands bonhommes du piano! C’est sûr qu’il y a de bons et de mauvais pianos, mais ce qui fait la grande différence, c’est la personne qui va s’occuper du piano autour de l’artiste. Et l’homme que vous avez à Québec est probablement l’un des hommes les plus aimés des pianistes du monde entier!»
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© Photo d’Alain Lefèvre : Caroline Bergeron