5 octobre 2023
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Le Journal de Nicolas Houle
Écrit par : Yves Leclerc
Joep Beving avait 14 ans lorsqu’une blessure au poignet l’a forcé à mettre un terme à ses études au Conservatoire de musique. Il était loin de se douter, après un changement de carrière, qu’il renouerait avec le piano et qu’il signerait, plusieurs années plus tard, un contrat avec la prestigieuse étiquette allemande Deutsche Grammophon.
Le pianiste de 46 ans, qui se produira le 21 octobre dans la salle Raoul-Jobin du Palais Montcalm, a vu sa vie prendre une nouvelle direction lorsqu’il a hérité du piano de sa grand-mère en 2009. Un piano qui l’a amené à jouer d’une tout autre façon et qui lui a permis de lancer six albums.
« Elle voulait, lorsque je lui rendais visite, que j’utilise le pédalier du piano. J’avais 12 ans et je détestais ça. Moi, ce que je voulais, c’était jouer du jazz et des sonorités puissantes. Lorsque j’ai hérité du piano et que je l’ai emporté chez moi, à Amsterdam, je ne pouvais pas jouer avec puissance. J’ai commencé à utiliser les pédales et je suis tombé amoureux des sonorités. C’est ce qui m’a amené à jouer d’une façon différente », a-t-il raconté, lors d’un entretien en visioconférence.
Apprécier les sonorités
Associé au mouvement néo-classique, Joep Beving entamera, le 11 octobre à Los Angeles, une courte tournée de 12 spectacles avec des arrêts aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, en Pologne et en Suisse.
Seul sur les planches, il pigera dans l’ensemble de son répertoire, dont son tout dernier opus, Hermetism, lancé en 2022.
« Ça va être un gars barbu avec un piano! Honnêtement, ça ressemblera pas mal à ça », a-t-il lancé en riant, lorsqu’on l’a interrogé sur le concert qu’il va présenter, ajoutant, plus sérieusement, qu’il va faire les pièces qu’il aime le plus interpréter.
« C’est une belle courbe musicale où les gens, j’espère, pourront fermer les yeux et apprécier les sonorités. C’est difficile pour moi de rendre ça plus spectaculaire, mais je vais faire de mon mieux pour que ce soit magique », a-t-il promis.
Joep Beving qualifie sa musique de contemplative. Une musique qui aborde certains segments du vocabulaire classique, la musique minimaliste et le romantisme.
« La rythmique est assez lente et il y a peu de notes. C’est méditatif. C’est aussi une musique qui est très narrative et cinématographique. Elle évoque des images mentales. J’essaie d’épurer les choses jusqu’à un certain point afin de conserver l’essence et en espérant aller chercher les émotions. On vit dans un monde très complexe et je ne veux pas complexifier les choses encore plus », a-t-il exprimé.
À l’adolescence, le musicien écoutait Nirvana. Du côté jazz et classique, c’était Prokofiev, Philip Glass, Keith Jarrett, Bill Evans et, ensuite, Thom Yorke et Radiohead.
« On peut, je crois, entendre toutes ces influences dans ma musique », a-t-il dit.
Un accord particulier
Dans chaque ville où il se produit, Joep Beving demande que son piano soit accordé de manière particulière, à 432 Hz.
« Je désire, lorsque c’est possible, qu’il soit accordé un peu plus bas. C’est quelque chose que j’ai commencé à faire après le lancement de mon premier album. C’est plus facile de cette façon d’être enrobé par la musique et par les sonorités. Ça épouse bien ma musique», a-t-il expliqué.
Il avoue ne pas avoir vécu une grande déception lorsqu’il a mis un terme à ses études au Conservatoire pour entreprendre des études en Gestion des politiques publiques et en administration, pour ensuite occuper un emploi dans le monde de la publicité. Il était loin de se douter que 32 ans plus tard un million et demi d’abonnés le suivrait sur la plateforme Spotify. Il n’a pas de regrets.
« Je me souviens de m’être senti libéré. Ça m’a permis d’explorer la musique à ma façon et sans pression. C’était quelque chose d’un peu intimidant au début, parce que je ne savais pas trop par où commencer. Ça m’a pris du temps avant de trouver ma voie. Ce qui s’est produit 20 années plus tard », a-t-il indiqué.
Le lancement de Solipsism, en 2015, a été un tournant dans sa vie. Cet enregistrement lui a permis de s’extirper d’une période difficile.
« Je ne me sentais pas très bien. J’avais de la difficulté à jouer le jeu de la vie. Faire quelque chose de tangible, comme un album, m’a permis de sortir ça de mon système. Dans un court laps de temps, j’ai pu quitter cet emploi et vivre une vie de musique. J’avais le sentiment d’avancer, d’être sur la bonne voie, de faire ce que je ressentais en moi et que j’avais envie de faire. C’était assurément la réalisation d’un rêve », a-t-il expliqué.
Son premier album, lancé de façon indépendante, a atterri dans un bar de Berlin et lui a permis d’obtenir un contrat avec l’étiquette allemande Deutsche Grammophon.
« Ce bar était l’endroit favori de Christian Badzura, un représentant de cette étiquette de disques. Il l’a entendu et il m’a trouvé deux semaines plus tard alors que j’étais à Berlin. Ce fut le début d’une belle relation. Je suis très fier d’être sur cette étiquette. C’est étrange, parce que je ne suis pas un artiste classique. J’ai eu de la chance », a-t-il admis.